Avoirun enfant handicapé demande de faire un deuil, le deuil d’un enfant « normal » qui ne présente pas de déficience intellectuelle. C’est un combat entre l’attachement, l’amour et le raisonnement. Pour continuer de vivre, il faut gagner le combat. Cette expérience transforme, c’est indéniable. Plusieurs parents y arrivent et le décrivent un peu comme le fait Anik
Le juge aux affaires familiales ordonne de plus en plus une expertise médico-psychologique ou psychiatrique avant de statuer. Pour quelles raisons ? L’expert psychiatre ou psychologue ne bénéficie pas de l’aura de scienticité et d’objectivité des autres experts. Pourquoi ce préjugé de faillibilité ? Comment progresser dans l’intérêt du justiciable ? Le juge aux affaires familiales affronte une multitude de situations familiales dont les différentes formes de parentalité, l’homoparentalité, l’immaturité parentale avec des parents adolescents, le déni de parentalité, le déni de paternité, le refus de l’enfant d’aller chez un parent, les aliénations parentales, les conflits culturels, les parents de bébé, séparés, un parent expatrié, un parent étranger, la revendication d’un droit de visite d’un ascendant ou d’un tiers non parent, dans un contexte ou non de violences physiques et ou psychologiques, tant pour les adultes, les adolescents et les enfants. Afin de fixer la résidence d’un enfant ou un droit de visite et d’hébergement, à domicile ou dans un espace rencontres, le juge prend en considération conformément à l’article 373-2-11 du Code civil, La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure Les sentiments exprimés par l’enfant mineur dans les conditions prévues à l’article 388-1 du Code civil L’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respects des droits de l’autre Le résultat des expertises éventuellement effectuées tenant compte notamment de l’âge de l’enfant Les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l’article 373-2-12 du Code civil Les pressions ou violences à caractère physique ou psychologique exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre Si l’article 373-2-11 du Code civil mentionne expressément les enquêtes et les contre-enquêtes sociales, le terme expertise » est mentionné sans autre précision. Il s’agit en pratique de l’expertise médico-psychologique et psychiatrique. Un autre médecin spécialiste pourrait aussi être désigné pour faire une expertise suite à un accident vasculaire cérébral, à un accident diminuant la motricité etc… Le juge aux affaires familiales peut en effet ordonner une expertise médico-psychologique ou une expertise psychiatrique afin de recueillir des informations relatives à la santé mentale ou au comportement – violences, tentatives de suicide, addictions, aliénation parentale, appartenance à une secte… - d’un membre de la famille, enfant, adolescent ou adulte. Le JAF ordonne cette mesure avant dire droit lors d’une audience de conciliation, de mise en état, d’une requête, lors d’une procédure de référé. Les voies de recours sont complexes comme le souligne le compte-rendu de la réunion du 22 mai 2014 de la commission famille du barreau de Paris auquel on se référera. L’inégalité face aux procédures entre les couples mariés et les concubins est avérée. Encore faut-il bien évaluer la stratégie d’une procédure d’appel d’une décision avant dire droit ordonnant une expertise médico-psychologique ou psychiatrique et l’impact sur le juge la décidant. L’expertise médico-psychologique est réalisée par un psychologue, l’expertise psychiatrique par un médecin psychiatre. La qualité du recueil des informations, leur traitement et la rédaction des rapports sont hétérogènes. L’expertise médico-psychologique s’apparente souvent à une enquête sociale moins approfondie, complétée par une analyse psychologique et des recommandations. L’expertise psychiatrique donne lieu à un rapport purement médical, se concluant par un diagnostic médical, portant sur le constat ou non d’une pathologie avec des recommandations. L’entretien, unique, se déroule dans le cabinet du psychologue ou du psychiatre. La trame des deux expertises découle d’une pratique professionnelle, et non de textes précis comme pour l’enquête sociale. Elle consiste à interroger la personne sur les antécédents familiaux, le père, la mère, la fratrie, les conjoints, les enfants, les antécédents scolaires et de vie sociale, le service national, les antécédents professionnels, les parcours, les relations avec autrui, l’environnement professionnel, les antécédents médicaux, les antécédents d’une détention, les maladies physiques, les troubles psychiques, la vie affective, sentimentale, sexuelle, les traitements médicamenteux, les projets personnels. La plupart du temps, aucune mention n’est faite des conditions d’examen clinique, des grilles d’appréciation, des mesures, des repères, des normes ou des tests. L’entretien unique est critiqué. L’expert devrait s’entretenir avec la personne au moins à deux reprises et à des périodes différentes. Le premier entretien pourrait être à la date la plus proche de la désignation de l’expert et des faits. Le deuxième pourrait se dérouler juste avant l’audience, permettant une réévaluation. L’expert doit prendre le temps d’identifier le contexte familial, opposant ou consensuel, les pathologies, dépressions ou troubles du comportement, les addictions, les séquelles des tentatives de suicide passées ou présentes. La liste n’est pas limitative. L’expertise ne peut être standardisée, chaque situation devant être considérée comme spécifique. Une personne souffrant d’un stress post traumatique, suite à des violences physiques ou psychologiques, doit nécessairement être réévaluée. Un personne souffrant d’un handicap invisible, notamment des troubles des fonctions exécutives, suite à un traumatisme crânien, doit aussi faire l’objet d’une expertise adaptée avec l’aide d’une neuro-psychologue. Une rééducation peut souvent améliorer le comportement et faciliter à terme les relations avec les enfants. L’expert doit faire appel à des sapiteurs, neurologues, pédiatres, pédo psychiatres, gériatres, médecins médecine physique et de rééducation, neuro-psychologues. Expertiser un enfant, un pré-adolescent, un adolescent, un adulte, dans un contexte classique, ou transculturel, n’exige pas les mêmes compétences ni les mêmes expériences. Le coût de l’expertise est néanmoins un obstacle certain. La personne expertisée peut communiquer à l’expert les pièces médicales démontrant une guérison, un état stabilisé, une observance du traitement, un suivi spécifique, compatible par exemple avec la résidence d’un enfant à son domicile ou avec l’exercice d’un droit de visite et d’hébergement, ou bien avec l’exercice de l’autorité parentale. La communication du dossier médical répond à des règles bien précises. Le dossier médical n’est pas unique mais souvent épars chez les spécialistes. Il faut un certain temps pour réunir les pièces. L’expert peut s’en charger avec l’accord du justiciable. En cas d’hospitalisation d’office, ou sur demande d’un tiers, le détenteur des informations peut estimer que la communication doit avoir lieu par l’intermédiaire d’un médecin. Dans ce cas, il en informe l’intéressé. Si le demandeur refuse de désigner un praticien, le détenteur des informations saisit la commission départementale des hospitalisations psychiatriques. Le demandeur peut également saisir cette commission de son côté. L’avis de celle-ci est notifié au demandeur et au détenteur des données. Il s’impose à eux, conformément à l’article du CSP. Certains spécialistes remettent en question les expertises médico-psychologiques et psychiatriques au profit d’expertises de santé mentale. Un consensus clinique et juridique de l’expertise mentale est souhaité, afin d’améliorer la trame tout en laissant l’expert totalement indépendant. Le caractère contradictoire de l’expertise est souvent discuté. Aucun texte n’interdit la présence de l’avocat. Mais la présence de l’avocat pourrait être qualifiée d’intrusive. Dans la pratique, l’avocat n’est jamais présent. L’avocat, sans formation en psychologie ou en psychiatrie, ne serait guère en mesure de rédiger des dires comme dans les autres expertises, notamment en matière de préjudice corporel. L’article 276 du CPC dit que l’expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties et lorsqu’elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent. Ce principe n’est pas appliqué lors des expertises médico-psychologique et psychiatrique. Mais tant que le rapport n’est pas déposé, le justiciable peut informer l’expert d’éléments nouveaux via son avocat, qui devra respecter le principe du contradictoire. L’avocat peut solliciter la récusation de l’expert mais impérativement avant le commencement de la mission. L’avocat peut aussi solliciter une contre-expertise sur le fondement des articles 245 et 283 du CPC, avec une nouvelle mission et la désignation d’un autre expert. L’article 373-2-12 interdit d’utiliser le rapport d’enquête sociale au titre des causes du divorce alors que le rapport d’expertise médico-psychologique et psychiatrique peut l’être. Les spécificités des procédures devant le juge aux affaires familiales et le juge des enfants ne facilitent pas le travail de l’expert. L’article 1187-1 du CPC dit que le juge des enfants communique au juge des affaires familiales ou au juge des tutelles les pièces qu’ils sollicitent quand les parties à la procédure devant ces derniers ont qualité pour consulter le dossier. Le juge des enfants peut ne pas transmettre certaines pièces lorsque leur production ferait courir un danger physique ou moral grave ou mineur, à une partie ou à un tiers. La difficulté est de savoir quelle stratégie procédurale adopter lorsque deux experts différents sont nommés par le JAF et le JE, notamment pour un enfant ou un adolescent, avec des conclusions divergentes. La règle est que les parties ne peuvent en aucun cas utiliser les expertises ordonnées par le juge des enfants dans d’autres procédures. Par contre, il est impératif que l’expert, psychologue ou psychiatre, ait accès à toutes les sources, lui permettant de dater les troubles et d’évaluer l’évolution. La pénurie des psychiatres et des pédo psychiatres ne facilite ni le recrutement, ni la formation d’experts judiciaires. Les juges aux affaires familiales rencontrent des difficultés à nommer des experts, déjà débordés, et les remises tardives des rapports rendent complexe la rédaction d’un jugement en phase avec la situation réelle des justiciables. Si la loi énonce que le magistrat n’est pas tenu de suivre les conclusions des experts, la pratique démontre pourtant la tendance contraire. Le dépôt d’un rapport d’expertise médico-psychologique ou psychiatrique devant le JAF ne fige pas le dossier. L’avocat, dans certaines longues procédures, notamment devant les cours d’appel, devra avoir une véritable stratégie médicale en communiquant des certificats médicaux, des bilans médicaux, des bilans neuro-psychologiques, ou d’autres rapports d’expertise, afin de démontrer l’amélioration d’un état médical. Un des enjeux est que l’expertise médico-psychologique et psychiatrique ne doit pas devenir un avatar du pouvoir du juge aux affaires familiales. Une volonté de réforme de l’expertise médico-psychologique et psychiatrique est en tout cas attendue. Bibliographie L’aide mémoire de l’expertise civile psychiatrique et psychologique de Geneviève Cedile, Gérard Lopez Dominique Labadie, - DUNOD – Compte Rendu de la réunion du 22 mai 2014 de la commission famille du barreau de Paris, réalisé par Anne-Lise Lonné-Clément. Rédactrice en chef de Lexbase hebdo. Revue Esprit de mars- avril 2015 Protectionjuridique et accompagnement social. Les personnes handicapées peuvent avoir besoin d’un tiers pour s’occuper de la gestion de leur argent, de leur patrimoine et des prestations sociales qu’elles reçoivent. Les différents modes de prise en charge de la protection des personnes vulnérables sont les suivants : Partout en France, les initiatives aidant à l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap mental se multiplient. On fait le point sur les projets les plus emblématiques du M01 25Commençons par tordre le cou à un cliché il existe de nombreuses situations où les personnes porteuses d'un handicap mental n’ont pas besoin de référents valides pour se débrouiller, monter leur propre entreprise et faire des affaires. On se souvient notamment de l’histoire médiatisée de John Lee Cronin, ce jeune Britannique atteint de trisomie 21 ayant créé en 2017 sa propre marque de chaussettes, très lucrative. Née de sa passion pour les modèles très colorés, John’s Crazy Socks, qui emploie désormais des dizaines de salariés, a fait de lui un entrepreneur millionnaire. "Notre mission est à la fois sociale et commerciale, explique le fondateur. Nous voulons montrer ce qu’il est possible d’accomplir lorsqu’on donne une chance aux gens. Chaque jour, on prouve que les personnes porteuses de handicaps mentaux peuvent faire de grandes choses." Fort de sa phénoménale réussite, John’s Crazy Socks donne également 5% de ses recettes à l’organisation des Jeux Paralympiques et sort régulièrement des séries de chaussettes spécial handicap, afin d’œuvrer à ouvrir les esprits. Un an plus tôt, on avait été ému et fasciné par le pari fou de Collette Divitto, une pâtissière elle aussi trisomique ayant ouvert à Boston sa propre boutique de gâteaux et autres sucreries, Collettey's Cookies, après avoir essuyé de nombreux refus d’embauche de la part d’entreprises aux pratiques discriminatoires. Il y a une semaine, son incroyable success story apparaissait même dans l’émission de Lester Holt sur NBC vidéo ci-dessous. Cependant, si certaines personnes handicapées n’ont nul besoin de sauveurs pour s’insérer dans la vie active, ce n’est pas le cas de toutes. Certains nécessitent un coup de pouce et une structure adéquate pour se lancer professionnellement. Ainsi, la France a bruissé ces dernières années de quelques initiatives éparpillées qui, non contentes de mettre le handicap mental au cœur des débats, sont promptes à changer le regard de la population valide. Le Reflet, un restaurant à l'avant-garde à Nantes En France, Nantes fut la ville pionnière dans l’ouverture d’un restaurant employant presque exclusivement des personnes atteintes de trisomie l’association Trinôme44 - Les Extraordinaires, par la voix de sa présidente Flore Lelièvre une architecte d’intérieur, dont le frère est trisomique, est en effet à l’origine du restaurant inclusif Le Reflet. Fermé jusqu’à nouvel ordre pour cause de Covid, son succès ne se démentait pas depuis fin 2016. Le mantra ? "Comment peut-on créer, grâce à l'architecture et au design, un lieu dans lequel des personnes porteuses d'une trisomie 21 pourraient travailler comme tout le monde ?" Après de nombreuses réactions ravies de clients de plus en plus nombreux, l’ouverture d’un deuxième restaurant a eu lieu fin 2019 dans le Marais à Paris, en présence notamment de Brigitte Macron. Ainsi, Le Reflet embauche aujourd'hui 24 salariés, dont 14 personnes porteuses d'une trisomie 21, toutes en CDI. En France en effet, 65 000 personnes sont atteintes de trisomie 21, mais seules 500 travaillent au milieu de collègues valides. La majorité exercerait une activité en Établissement et Service d’Aide par le Travail ESAT. Il était grand temps de changer de stratégie. En octobre, confinement oblige, l’asso a lancé Chefs Extraordinaires TV, une chaîne YouTube culinaire s’adressant aux personnes handicapées et à celles et ceux qui les soutiennent. Recettes et autres astuces y sont prodiguées. Dans les cartons, une formation professionnalisante en hôtellerie-restauration est même en cafés "servis avec le cœur" Rennes et Bordeaux n’ont pas encore de restaurant employant des personnes en situation de handicap, mais ces villes ont leur café-snack, et ce depuis 2017. Cinq bien-nommée Cafés Joyeux trois à Paris, un en Bretagne et l’autre en Nouvelle-Aquitaine, donc recrutent des personnes "majoritairement atteintes de trisomie 21 ou de troubles cognitifs comme l’autisme". L’idée forte "rendre le handicap visible, favoriser la rencontre possible en milieu ordinaire et proposer toujours plus de travail à des personnes éloignées de l’emploi", expliquait à leur ouverture le fondateur Yann Bucaille Lanrezac, à la tête de l’association Émeraude Solidaire, ouvertement catholique. Alors que le café-restaurant situé sur les Champs- Élysées et ceux de province sont restés ouverts en click & collect pendant le deuxième confinement, une efficace et intrigante campagne marketing s’est récemment étalée sur les panneaux d’affichage des grandes villes où les cafés sont présents. Sur fond jaune le code couleur de l’entreprise, elle promettait "des cafés pas comme tout le monde".Un magasin associatif tenu par des personnes autistes À Toulouse, l'association InPACTS accueille des enfants, adolescents et adultes autistes, leur donnant les outils pour être autonomes et s'intégrer dans la société. Fin décembre 2016 est né le projet Witoa, qui a préféré s’éloigner de l’attendue restauration en se consacrant à un commerce de vente plus classique un magasin de jouets. Les vendeurs neuroatypiques se confrontent ainsi au monde du travail en conseillant les clients, comme dans une boutique traditionnelle. Du rayonnage au secrétariat, tous les postes sont représentés, entourés par des éducateurs. Si les clients sont reçus dans la boutique de l’avenue Frédéric Estèbe quartier des Minimes avec un petit dépliant explicatif, rien ne permet de distinguer une virée d’avant les fêtes de Noël d’une sortie shopping habituelle. Le magasin de jeux, aux multiples références récentes ou anciennes, est très bien achalandé. Des jouets en bois aux dernières nouveautés, on y trouve de tout. Carine Mantoulan, docteure en psychologie à l’origine du projet, "voulait allier deux plaisirs le fait de permettre à des gens de trouver des cadeaux, et celui de permettre à des jeunes autistes de s'intégrer dans le monde professionnel", expliquait-elle à La Dépêche du Midi lors de l’ouverture. Un pari doublement partiel et vente à emporter... comme tout le monde Dans le centre-ville de Mulhouse, le Centre de Réadaptation de la ville ouvrait en septembre 2019 Un Petit truc en plus, le petit dernier des restaurants inclusifs inspirés par Le Reflet à Nantes. Malgré les difficultés liées à la pandémie de Covid, l’unique restaurant associatif et inclusif du Grand Est continue fièrement sa route. Les six salariés, d’abord mis en chômage partiel lors du premier confinement, se consacrent désormais à la vente à emporter et à la livraison à domicile en fin de semaine. "Nous avons maintenu cette formule depuis notre réouverture en juin, ce qui a permis à l’ensemble de nos salariés de retravailler", explique au journal de la Ville Aurélie Bernard, cheffe et gérante porteuse du projet. Avant la crise, le restaurant aux quarante couverts affichait complet tous les midis. Soucieux de travailler dans des conditions "normales", il n’y a eu aucune adaptation pour les employés qui travaillent 20 heures par semaine. "Nous adaptons notre façon de travailler, mais pour aller jusqu’au bout du projet, nous n’avons pas voulu de milieu protégé", explique Aurélie Bernard. La vie active a ses déboires, auxquelles les employées en situation de handicap font face avec force… comme tout un lire aussiOns’est demandé comment on pouvait les aider et on a organisé un groupe de parole entre parents valides et handicapés pour échanger. De fil en aiguille, on s’est dit qu’on pouvait peut-être intervenir avant la naissance du bébé et avec l’aide de Michel Soulé, on a créé un service avec une prise en charge spécifique qui a vu officiellement le jour en août 2010.
1“Le temps s’est arrêté, en un instant toute ma vie s’est effondrée…” Pour les parents d’un enfant handicapé, la blessure est profonde. Elle vient bousculer en un instant passé et avenir, image de soi et image de l’autre, et met à jour la culpabilité et l’impuissance. Pour faire le deuil de ce qui ne sera pas, le regard des soignants et des proches est décisif. Il s’agit de permettre au couple d’élaborer une manière d’être ensemble. 2On ne naît pas parent d’enfant atteint d’un handicap, on le devient, et on ne le devient pas tout à fait de la même manière selon qu’il s’agit d’un premier enfant ou d’un puîné. Par ailleurs, aucune recherche systématisée n’a prouvé que le taux de divortialité des jeunes couples ayant un enfant handicapé était significativement plus important que dans la population tout venant des jeunes parents. Malgré ce manque de preuve, l’idée selon laquelle la venue d’un enfant handicapé provoquerait la séparation du couple parental reste tenace. Notre travail auprès de tout-petits atteints d’un handicap et de leurs parents montre que la venue d’un enfant handicapé interroge, certes, de façon particulière les liens du couple et ceux avec la famille élargie, révèle des problèmes familiaux ou conjugaux préexistants, mais n’est-ce pas tout de même un peu le cas de toutes les naissances ? 3Par ailleurs, cette situation rappelle que pour “faire” un parent, il faut un homme, une femme, un enfant et une culture, une société qui reconnaît et qui donne, ou non, valeur et légitimité à ces liens et à leurs protagonistes. Aussi, parler du couple confronté au handicap d’un enfant suppose-t-il de prendre la mesure de l’importance du soutien social perçu, reçu, imposé, proposé, trouvé et créé par ces couples. Kaës 1993 parle joliment du “nid groupal” qui permet aux parents et à leur enfant de s’ancrer dans un groupe, tout en s’en différenciant. 4Le travail auprès d’enfants handicapés et de leurs parents montre que la nature du handicap et sa lourdeur ne permettent en aucun cas d’expliquer les différences entre couples dans la manière de co-construire, avec leur enfant handicapé, leur vie. En effet, certains couples s’enfoncent dans la dépression, se murent dans un isolement mortifère, alors que d’autres font preuve d’une énergie créatrice qui leur permettra de continuer à vivre dans de bonnes, voire dans de meilleures conditions qu’auparavant. Par ailleurs, la manière dont cet enfant est accueilli par la famille élargie, par les “autres” professionnels, a un impact déterminant sur le devenir de ces couples parentaux et sur celui de leur enfant. 5Lavigne 2004 remarque que les chercheurs abordent la question des parents d’enfant handicapé en se focalisant sur le temps de la petite enfance, sur la mère et plus particulièrement sur le temps de l’annonce de la pathologie ; elle regrette, à juste titre, que trop peu de travaux existent sur la manière dont, avec le temps, la famille continue à vivre avec cet enfant différent. Or, si le moment de l’annonce est un temps fondateur, les processus de création de liens qui y sont enclenchés se poursuivent tout au long de la vie du couple et de leur enfant. En effet, en fonction de l’évolution de ce dernier, de la manière dont il est accueilli ou exclu de la crèche, de la halte-garderie, de l’école, les parents se sentiront plus ou moins “bons” parents d’un “bon” enfant à leurs yeux et à ceux des autres. 6La culpabilité parentale exprimée si souvent à propos du handicap de leur enfant, qui s’appuie ou non sur des éléments de la réalité transmission génétique, activité fatigante durant la grossesse, mésentente parentale…, masque parfois une blessure narcissique je ne suis bon à rien, je n’ai pu faire un enfant en bonne santé, ni donner un enfant en bonne santé à mon amante. Ce vécu de responsabilité dans l’atteinte peut transitoirement permettre aux parents de se sentir acteurs et les aider à inscrire leur enfant dans leur couple parental7Le chemin de la rencontre, de la reconnaissance et de l’attachement mutuels entre parents et enfant handicapé est long, aléatoire, fait d’aller et retour. Dans un premier temps, il s’agira de rencontrer non “un trisomique”, mais Jean, qui porte le prénom choisi avant sa naissance processus d’humanisation. Par la suite, les parents devront parvenir à penser c’est mon enfant et il me reconnaît comme étant son parent processus de “parentification”. Enfin, avec le temps, de bonnes expériences, d’heureuses rencontres, ils commenceront à imaginer qu’ils pourraient devenir de “bons” parents pour cet enfant-là qui, dès lors, pourrait être un “bon” enfant pour eux-mêmes. 8Si chaque membre du couple trace ce chemin et y avance à son rythme et à sa manière, il s’agit, dès le départ, de poser les bases d’une co-parentalité, en faisant place à la mère et au père dans les spécificités de ce qu’ils vivent. Ceci parce que l’oubli, l’abandon dans lequel est laissé ou se sent laissé le père peut avoir des conséquences dramatiques. En particulier, il peut conduire à l’instauration d’une relation fusionnelle mère-enfant dommageable pour tous. Pour éviter cela, il s’agit de favoriser une évolution de la triade primitive vers une relation à trois, au sein de laquelle chacun existe comme sujet avec une fonction différente pour le père, la mère et l’enfant. 9Un parent ayant donné naissance à un enfant porteur d’un handicap est atteint de trois façons dans ses assises narcissiques narcissisme lié au statut de père ou de mère, d’amante, et de fils ou de fille de ses propres parents. Il se demande comment inscrire cet enfant dans sa propre lignée sans rompre avec la loyauté filiale cet enfant est-il digne de mes parents et de ce qu’ils m’ont donné ?. S’il n’y parvient pas, il peut se défendre en rejetant la “faute” sur la lignée de l’autre, en particulier en cas de maladie génétiquement transmise. 10L’homme, l’amant peut souffrir de ne pouvoir aider sa femme, de la voir souffrir ; il se sent douloureusement inutile, impuissant et souvent coupable. Par ailleurs, il arrive encore trop souvent qu’il soit chargé d’annoncer à sa femme l’existence d’une pathologie chez leur enfant. S’il ne trouve pas d’humains à son écoute, il peut fuir, se punir avoir un accident, se montrer sous son plus mauvais jour…, faute de pouvoir envisager la manière d’affronter la situation. 11De son côté, la mère, qui peut s’en vouloir de ne pas avoir pu offrir un bébé gratifiant à son amant, peut chercher à le protéger de ce traumatisme, à réparer la “faute” en assumant au maximum, seule, son enfant. Voulant protéger son amant, le père de cette douloureuse réalité, elle déclenche parfois chez lui un mouvement de jalousie elle résiste mieux que moi, elle sait mieux faire…. Ainsi, croyant l’aider, elle risque de nuire à la création du processus de paternité et à celui de la co-parentalité. Les soignants renforcent ce processus aux effets désastreux en faisant alliance avec la mère, en la confortant dans le fait qu’elle est seule à pouvoir ou à devoir assumer son place dans l’histoire vivre le présent et se projeter dans l’avenir12Pour le père, comme pour la mère, l’impact de l’annonce peut réactiver un traumatisme anciennement vécu dans un effet d’après-coup. Ainsi, depuis la naissance de son enfant prématuré, une mère dit être obsédée par un avortement effectué trois ans auparavant. Alors qu’elle se souvient que cette intervention s’était déroulée dans de bonnes conditions, tout se passe comme si, à la faveur de cet événement, tous les affects ambivalents vis-à-vis de cette grossesse interrompue étaient réactivés. S’agit-il d’une reconstruction du passé à la lueur du présent ou d’une reviviscence d’affects passés, gelés, n’ayant pas accédé, en leur temps, à la conscience ? Ou encore parle-t-elle des souffrances de cet avortement pour ne pas avoir à élaborer ce qu’elle ressent par rapport à ce bébé qu’elle vient de mettre au monde ? 13Le passé prend un sens différent à la lueur du présent, le présent s’inscrit dans un instant figé et le devenir est impensable. Passé, présent et futur se télescopent pour ne former qu’un présent qui pèse sur les parents comme une chape. “Le temps s’est arrêté. En un instant, toute ma vie s’est effondrée, rien ne sera plus pareil. J’ai vu toute ma vie défiler. C’était il y a cinq ans et c’est comme si c’était hier.” 14Certains parents ne veulent ni ne peuvent parler du handicap, car en parler reviendrait à le faire exister. Ils essaient également de faire en sorte de ne plus penser, de ne plus rien sentir dans une tentative désespérée d’annuler magiquement ce qui vient de se passer. La mère, le plus souvent, met alors toute son énergie pour maintenir cet état d’anesthésie “Je ne voyais plus rien. Par contre, je revois mon bouquet de roses sur ma table.” Face à ce chaos, cette femme tente de fixer des détails pour ne pas percevoir l’ensemble de l’événement et ne pas prendre la mesure de ce qui vient d’ de l’enfant15Lorsqu’il est atteint d’un handicap, tout se passe comme si l’enfant renvoyait ses parents à leurs angoisses de mort et de castration, au lieu de soutenir l’illusion narcissique nécessaire à l’opération symbolique et au projet d’adoption. Ils ne se sentent pas gratifiés par ce nourrisson si différent de celui dont ils avaient rêvé et qui peut être vécu comme mettant au grand jour ce qu’ils auraient voulu cacher une consanguinité, un père alcoolique, une mésentente… ils ne peuvent ni ne veulent se reconnaître en lui. C’est pourquoi, avant de pouvoir être pensé, le bébé avec un handicap est perçu comme un objet inattendu, non reconnaissable. Or, la surprise est fondatrice de la parentalité, lorsque la gestion de l’inconnu ne dépasse pas les capacités de contenance parentale. Si tel est le cas, les deux parents ou l’un d’eux auront/aura besoin de s’appuyer sur un autre humain pour ne pas être trop envahis par une émotion haineuse à l’endroit de l’enfant. 16Cet appui peut venir d’un des membres du couple qui parvient à conforter l’autre dans sa compétence à devenir parent. Parfois, un professionnel devra aider à ce processus mais il arrivera également que ledit processus ne parvienne pas à se mettre en place. En effet, il se peut que l’un ou les deux parents ne parviennent jamais à se sentir parents de cet enfant-là. Le rôle des professionnels est alors de les accompagner dans leur détresse, mais également dans un mouvement d’identification à l’enfant. L’enjeu est de créer les conditions pour que le père, la mère et l’enfant soient reconnus et pensés dans leur humanité et dans leurs positionnements différents. Seule une équipe pluridisciplinaire peut faire ce travail qui nécessite d’être sensible à la souffrance de l’adulte et, également, à ce que ressent l’enfant et à ses besoins. Humanisant cet enfant dans la spécificité de ses besoins, ce sont les parents qui sont du même coup humanisés. 17Au moment où le bébé n’est pas encore “adopté”, les parents regardent parfois étrangement ce qu’ils ont acheté pour lui, tout semblant avoir été préparé pour quelqu’un d’autre. Une mère se souvient “J’étais là et pas là, ce bébé n’était pas le mien. Le mien, le vrai, n’était pas encore né. Je me réveillais la nuit en me disant que je n’avais pas accouché et qu’il fallait y aller…” 18Ce sentiment peut s’estomper progressivement ou brusquement. En effet, parfois l’enfant existe pour son parent comme “par surprise”, suite à un regard, à un cri qui touche le parent. Pour favoriser ce mouvement d’adoption, il peut être important de parler des besoins du bébé et de ceux de ses parents qui sont indépendants de l’existence du handicap où dormira-t-il, comment les parents comptent-ils s’organiser pour le faire garder ?…. Cette évocation de la matérialité de la vie est susceptible de permettre, par la suite, un déplacement de la réalité matérielle sur le terrain de la réalité psychique voilà ce que je fais et voilà ce que je ressens à propos de cela. Chemin faisant, il s’agira de faire le deuil de ce qui ne sera pas, de penser au conditionnel pour articuler le passé, le présent et l’avenir. Il faudra également accepter de ressentir de l’agressivité à l’égard du bébé, du conjoint et de soi-même pour la transformer, la sublimer ou encore la déplacer. 19Dans ce processus, si le regard, les paroles des soignants et des proches sont décisifs, il convient de ne pas mésestimer les compétences du bébé à participer à cette adoption. C’est pourquoi les parents doivent être accompagnés dans la découverte des particularités de leur enfant et des difficultés rencontrées. Il s’agit de parler avec les parents du regard parfois fuyant de leur enfant, de son tonus qui les déstabilise, de ses vomissements, de ses pleurs la nuit, afin que ce que manifeste leur bébé ne soit pas interprété comme des marques d’indifférence, voire de rejet de la part de l’enfant. Il faut également veiller à aider à l’instauration des interactions dans les moments où le bébé est le plus à même de solliciter ses parents et à être sollicité par humain des parents20Déstabilisé, le parent a recours aux autres ami, famille, professionnel pour chercher en eux un sens à ce qui vient de lui arriver. Il s’appuie sur eux, dans ce premier temps d’intense déstabilisation, pour progressivement élaborer, construire son propre positionnement. 21Ce qui est transmis, au moment de l’annonce, ne passe pas uniquement par le langage, mais également par divers dispositifs institutionnels, par des attitudes, des mimiques la mère, que l’on isole à la maternité, qui voit peu de soignants entrer dans sa chambre, les conversations qui s’interrompent, le nombre de professionnels différents qui donnent des soins au bébé. Tous ces signes, ces discours sont autant d’indices qui laissent imaginer aux parents leur devenir et celui de leur enfant. 22L’horreur lue dans le regard de la sage-femme, sa fuite ou, au contraire, sa bienveillance, le regard attendri ou horrifié de la grand-mère sont autant d’indices sur lesquels les parents s’appuient pour donner sens et valeur à ce qui leur arrive et organiser leur manière d’y réagir. Ceci non seulement au moment de la naissance, mais encore longtemps après. Entendant la directrice de l’école qui n’a pas encore rencontré son enfant dire “Des handicapés, on en a déjà eus et, sans moyen supplémentaire, ce n’est pas possible. Les centres n’en veulent pas et il faudrait que nous, on les prenne”, au mieux, la mère en voudra à cette professionnelle, au pire elle en voudra à son enfant ce n’est qu’un “handicapé”, source de soucis ou à elle-même incapable d’avoir un enfant acceptable et ensuite de le protéger. En revanche, la directrice de crèche qui, en souriant, dit “Nous accueillerons comme prévu Louis”, alors qu’elle sait qu’il fait des crises d’épilepsie, aide ses parents à se sentir moins seuls et rend leur enfant plus familier et désirable. 23Si, lors de l’annonce du handicap, les professionnels doivent se demander quoi, comment et quand annoncer aux parents, les réponses ne peuvent s’élaborer que dans le contexte du lien singulier entre la famille et le personnel soignant. Plutôt que d’annonce, il convient de parler de processus de révélation. En effet, ce qui sera alors entendu, compris, enregistré s’élaborera progressivement. Ainsi, si les parents se souviennent de quelques mots entendus, nombreux sont ceux qui disent n’avoir intégré les informations que bien longtemps après, à la faveur d’un autre événement lors de l’entrée à l’école, d’une opération, d’un retard constaté… L’urgence consiste davantage à laisser le temps aux parents de verbaliser leurs émotions et de formuler leurs questions, et il s’agit alors de laisser parler autant que de parler. 24Les professionnels sont sollicités par des identifications multiples et complexes, et peuvent s’identifier à l’enfant “abîmé” ou aux parents traumatisés. Dumaret et Rosset 1996 rappellent que certaines équipes obstétricales conseillent l’abandon de l’enfant handicapé, pensant ainsi “sauver” les parents. 25Les multiples interventions de techniciens, supposés savoir, mettent parfois les parents en position de soumission infantile face à des “parents-soignants”. Le père peut alors parfois se vivre comme étant le frère du bébé, sa femme et le médecin faisant fonction de “couple parental soignant”. Pour éviter cela, le soignant doit savoir ne pas trop intervenir, afin que père, mère et enfant aient le sentiment de créer eux-mêmes, entre eux, leur manière d’être, de penser et de se penser ensemble. Il s’agit d’une co-création de l’être ensemble, dans lequel le professionnel doit se garder de trop guider, de trop conseiller, même s’il est sollicité en ce sens. 26Inviter les parents à s’appuyer sur ce qu’ils savent, sur ce qu’ils ont appris au contact de leur enfant, sur ce qu’ils ont hérité de leur culture, de leur famille est une manière de reconnaître la validité et la fonction de leur mode d’être avec leur enfant. Ainsi confortés dans leur propre savoir de parents, ils se rendent souvent plus disponibles et plus ouverts aux informations qui leur viennent des professionnels et qui leur semblent, dès lors, moins conclusion…27Devenir parent suppose de prendre le risque de la rencontre, de commettre des erreurs, et de mettre en œuvre des mouvements de créativité qu’il convient de ne pas entraver. Évidemment, lorsque l’enfant est atteint d’un handicap, il peut soulever chez ses parents mais également chez leurs proches et parfois chez les professionnels des mouvements d’inquiétude, d’incertitude, de peur, quand ce n’est pas de peur panique ou de sidération. 28Face à cela, les proches, les soignants doivent se montrer contenants, rassurants, tout en laissant aux parents le temps de construire, à leur manière, à leur rythme, les liens avec leur enfant. Parents et enfants doivent trouver les conditions pour se découvrir, s’étonner, sans que le savoir technique des professionnels ne gêne le déploiement de la créativité parentale et enfantine. En effet, une part des souffrances des familles de l’enfant porteur d’un handicap tient au jugement porté par l’entourage sur la pathologie et pas seulement aux effets directs de l’anomalie sur eux. 29Les parents et leur enfant handicapé doivent être aidés, qu’ils décident d’élever l’enfant, de le confier à l’adoption ou d’interrompre la grossesse en cas de détection du handicap en anténatal. Ceci, non seulement au moment de la décision, mais également par la suite, par exemple lors d’une nouvelle naissance ou d’un autre événement traumatique qui viendrait réveiller les affects liés à la naissance de l’enfant handicapé. Être aidés, certes, mais comme ils le souhaitent et au moment où ils le souhaitent. ? LGEqsN.